Lycée
Polonais

La nuit et l’aurore

L'histoire du Lycée Polonais comprend deux périodes bien distinctes, nettes et tranchées. D'abord, d'octobre 1940 à fin août 1944, l'occupation, la nuit. Puis de septembre 1944 à juillet 1946, la libération. Et si ce n'est pas encore le jour, « cela s'appelle l'aurore » (Emmanuel Roblès).

Wrona, dit l'oeil de Moscou, en galante compagnie

Ces deux périodes sont complètement différentes, parce que les conditions matérielles et surtout morales et politiques sont totalement différentes.

La nuit ? Nous venons de la décrire.

L'aurore ? Dès septembre 1944, le Lycée Polonais devient un lycée presque comme les autres, dans une situation à peu près normale.
Le personnel change, les élèves aussi. Ils proviennent maintenant majoritairement de l'émigration ancienne et ne connaissent que faiblement la langue polonaise. Ils sont plus jeunes, plus calmes, dépourvus des grands élans des premiers jours bien que les derniers arrivés demeurent sous le charme des pionniers.

La première année (1944-45), l'école est encore sous l'influence de Londres et de l'état de guerre. La deuxième année (1945-46), la paix est revenue. Les Soviétiques ont installé à Varsovie un gouvernement satellite, issu d'un comité de libération d'inspiration communiste connu sous le nom de Comité de Lublin. Le nouveau gouvernement veut faire du Lycée son ambassadeur.
Depuis avril 1944, la Croix-Rouge Polonaise finance à nouveau le Lycée, d'abord de Londres puis de Varsovie. Traditionnellement apolitique, un changement brutal de direction la met sous le contrôle de Lublin.

Si la structure de l'organisation et la pédagogie de l'école ne changent pas formellement, des modifications plus ou moins subtiles interviennent. Les autorités, par exemple, regrettent que les élèves passent trop de temps à étudier le passé. Elles veulent imposer des sujets plus adaptés aux évolutions du monde moderne.
Le professeur Lubicz-Zaleski, revenu de déportation, s'inquiète et se charge de contrecarrer ces tendances. Il essaye, en vain, de trouver d'autres sources de financement et d'échapper ainsi au contrôle de Lublin.
En octobre 1945, un nouveau maître arrive de Pologne. Il est nommé vice directeur et prend en charge les études sur la Pologne. Il s'appelle Stefan Wrona, mais tous le surnomment immédiatement "l'œil de Moscou".
Le directeur Berger regrette de voir la situation se compliquer de plus en plus. Wrona « trouble l'atmosphère, s'efforce de faire éclater l'organisation de l'école de l'intérieur, par des conversations confidentielles avec des petits groupes, en critiquant sans fondement des mesures qui existent depuis des années. » Il n'est d'abord question que de prières et de religion, puis de principes d'éducation et de questions politiques que Berger qualifie de "propagande".

Les professeurs se figent, parfois résistent, parfois partent sous d'autres cieux. Si bien qu'en 1946, sur un nombre constant, au fil des ans, de vingt-trois enseignants, il n'en reste que cinq qui aient fait partie de l'équipe initiale.

Wrona est un homme seul. Il se lamente que ses élèves ignorent la réalité de la Pologne bourgeoise d'avant-guerre, mais son pouvoir est grand. Les portraits des nouveaux dirigeants trouvent leur place sur les murs du Lycée, l'aigle emblématique de l'État perd sa couronne royale.

Ce sont les élèves qui souffrent le plus de la situation. Certains n'admettent pas les arguments maladroits de Wrona, d'autres, souvent les plus jeunes, y sont plus sensibles. Ceux qui, pendant les cours, posent des questions trop gênantes se voient récompensés de mauvaises appréciations... Les portraits officiels disparaissent durant la nuit… Wrona supprime l'obligation de se rendre à la messe des Polonais… Un élève considéré trop proche de Wrona tombe dans une embuscade et est copieusement rossé…
Mais, au rythme des cours et des chants, la vie continue, et les relations avec les Villardiens sont meilleures que jamais. Les communautés française et polonaise ont versé ensemble leur sang. Il n'y a plus qu'une France, libre et combattante.

Les derniers jours du Lycée laissent une impression pénible. Élèves comme professeurs sont profondément divisés. La Pologne, libérée de l'occupation allemande, a été englobée de force dans l'empire stalinien. Faut-il retourner au pays, qu'on soit d'accord ou non avec les nouvelles structures en place, ou refaire sa vie ici ou ailleurs ?
Dans une ambiance pesante, le transfert à Paris du Lycée est décidé. Il retrouvera les locaux de la rue Lamandé, avec une annexe en banlieue, à Houilles, qui préparera les élèves au Baccalauréat.

La clôture de l'année scolaire 1945-46 et la remise des diplômes donnent lieu à des cérémonies particulièrement soignées. Dernière messe "polonaise" et dépôt de gerbes sur les tombes des élèves morts dans le Vercors, en présence de l'attaché militaire à l'ambassade de Pologne et du président de la Croix-Rouge Polonaise. Ils souhaitent à tous « bonne chance sur le long chemin de la vie » et sont persuadés que « ce chemin mène en Pologne. »
Ce ne sera pas toujours le cas.

Les préavis aux employés portent la date du 30 juin 1946. Le Lycée ferme ses portes. La Croix-Rouge finance la remise en état des bâtiments. Le professeur Lubicz-Zaleski essaye, mais en vain, de créer dans l'Oise une structure d'enseignement qui fasse sienne l'esprit de Villard.
Tous les élèves ne suivent pas le Lycée Polonais à Paris, considéré par certains comme soumis à Moscou. Une trentaine se retrouvent sur le plateau du Larzac au camp de La Courtine. Ce camp accueille, depuis les derniers jours de la guerre, les Polonais qui se présentent aux forces britanniques et auxquels aucune affectation n'est donnée.

Le temps du Lycée Polonais Cyprian Norwid est passé.


Après les camps

Après les camps

Victoire

Victoire

Wrona

Wrona

Retour en haut de page agence communication Bienvenue sur Mars grenoble lyon annecy chambery valence meylan